Pour notre interview en visio, Catherine Jullien est debout, signe d’un engagement entier dans cet échange inspiré par la journée des droits des femmes. Elle est l’autrice d’un jeu « Exploratrices » qui fait le pont entre sa passion pour l’aquarelle, son goût du récit et son activité de coaching, prolongement naturel de son histoire. Un jeu qui, par le biais de portraits et de citations de femmes, interroge nos motivations profondes et notre relation au monde. Un jeu qui s’adresse donc également aux hommes. Rencontre avec une femme aux énergies multiples !
Par Anne Josse pour Souriez Vous Jouez
Parmi toutes les femmes qui t’inspirent, y en t-il une à laquelle tu penses au début de cet entretien ?
(…silence). Je pense à Hélène Grimaud, Elle représente bien le multidimensionnel qui est en chacun de nous. Nous nous résumons rarement à un métier, une fonction ou un talent. Cette pianiste de renommée internationale est aussi écrivaine, passionnée par les animaux et diplômée en éthologie. Je ressens chez elle une énergie très ancrée, reliée au monde, à la terre et aux autres.
Tu as d’ailleurs choisi deux citations extraites de ses ouvrages pour le jeu « Exploratrices. »
« Allons ! Ouvrez les fenêtres, le ciel, les océans, : l’amour rentrera à flot. » et puis, « Il m’arrive de rester longtemps sans parler, alors la parole m’apparait superflue. Parfois jusqu’à ce que j’entende dans le silence, la musique même du silence.»
Les deux citations sont superbes ! La première m’interpelle tout particulièrement, car avant l’entretien, nous échangions sur ton environnement, baigné de lumière, et ton besoin de fenêtres ouvertes sur la rue.
Oui, j’ai besoin d’espace pour que les énergies circulent. J’aime les fenêtres qui ouvrent sur de nouveaux possibles, des ailleurs. C’est précisément la vocation des cartes que j’ai illustrées. Chaque portrait de femme est une ouverture sur une part de soi et sur la relation que nous entretenons avec nous-même et avec le monde.
Quel a été ton processus créatif ?
Spontanément je fais beaucoup de portraits et de scènes de vie. Ce qui m’intéresse c’est de saisir une attitude, un geste, un mouvement. Il se trouve que j’y arrive plus facilement avec des femmes. Probablement parce qu’il émane d’elles, au-delà de l’apparence, une sorte de dialogue avec le monde qui me touche. Un jour quelqu’un, en découvrant mes aquarelles, m’a dit que cela aurait du sens d’en faire un jeu. C’est ainsi que le projet est né. J’ai sélectionné quelques dessins et j’en ai réalisé spécifiquement pour le jeu (près de la moitié) pour compléter ma mosaïque de femmes de nouvelles énergies. Il y a la femme sportive, militaire, photographe, jeune ou âgée... Chaque femme raconte une histoire qu’il nous appartient de lire, d’interpréter, de continuer ou de changer…Qui nous renvoie à nos propres histoires.
Et pour les citations, comment as-tu procédé ?
Je ne voulais pas de citations creuses comme celles que l’on trouve dans les papillotes en chocolat. J’ai constaté aussi que les citations des femmes étaient moins dans l’injonction que celles des hommes. Ces citations ne sont pas, à quelques exceptions près, extraites de banques de citations en ligne. Je les ai captées en écoutant une émission radio, en lisant, en enregistrant des interviews. Dès qu’une parole me saisit j’ai le réflexe de la noter pour ne rien en perdre.
Comment les cartes « Exploratrices » aident-elles les femmes à se connecter à leur propre énergie intérieure ?
Les femmes et les hommes ! Fondamentalement dans un individu, il y a plusieurs énergies présentes à différents niveaux, aussi bien masculines que féminines. D’ailleurs, je t’informe que je travaille actuellement au jeu des « Explorateurs » pour compléter l’ensemble. Ce que je souhaite, profondément, c’est qu’en regardant un de mes portraits, la personne perçoive toute la complexité qui nous anime et qui permet d’agir. En tant que coach ou peintre j’agis à partir d’une dimension intérieure dont j'ai conscience ou non. Cette dimension intérieure est nourrie de mon passé, du présent et du futur. Toute cette richesse que j’ai en moi, comment vais-je aller à sa rencontre ? Les cartes sont un media pour provoquer cette rencontre. Elles nous mettent en présence de nos énergies pour nous inviter à les transformer en action. Et cela, dans une conscience de soi et du monde.
Quels conseils donnerais tu aux professionnels de l’accompagnement qui voudraient utiliser ton jeu ?
Mon premier conseil est de ne surtout pas restreindre le public à des femmes. Je connais une personne qui utilise le jeu en comité de direction d’une grande entreprise, dont elle est…la seule femme ! Son intention était clairement de susciter la curiosité. Je lui ai conseillé d’aborder le jeu sous l’angle de l’énergie et de ne pas le présenter comme des portraits de femmes. Et ça a très bien marché ! Personnellement je l’utilise avec des étudiants en EM (Ecole de Management) de Lyon et des élèves ingénieurs qui sont en processus d’innovation. A un moment de leur parcours je les interroge sur leur projet : comment ils et elles se situent. Et le fait que les illustrations soient des femmes n’est pas un sujet. Parce que l’on va au-delà de la représentation du portrait. Ce qui compte c’est de laisser la rencontre se faire et de poser ensuite des questions simples. Il y a le temps de l’observation du dessin, celui de la réflexion, et celui de l’ouverture avec des citations qui nous font voyager encore plus loin. Pas besoin de commenter, d’analyser. L’idée est de laisser une ou des fenêtres s’ouvrir…
En fait, ce jeu est une invitation à écrire sa propre histoire. Pour y parvenir tu as suivi un arc narratif précis, peux-tu nous en parler ?
En effet, j’ai pensé ce jeu comme un voyage en trois étapes. Ou plutôt comme trois paysages. D’abord, le paysage de l’identité : qui je suis, là , maintenant, avec mes énergies qui me caractérisent. Ensuite, le paysage de la relation : comment je vis mon rapport avec les autres. Et enfin, mon paysage d’action, comment j’envisage mon futur, quels projets je souhaite construire?
J’ai construit cette narration avec une collègue praticienne narrative, Sabine Anzardi, avec l’idée qu’une histoire est un paysage que l’on va revisiter, se reraconter comme point de départ pour la suite. Raconter une ou son histoire est une façon de créer le futur.
Pourrais-tu nous raconter une de ces histoires ?
Dans le jeu, il y a cette aquarelle de femme photographe. La carte pose la question suivante « quelle singularité de toi cette femme pourrait-elle capter ? ». Cela a vraiment été déclencheur pour la personne que je coachais. Celle-ci cherchait à convaincre, à trouver sa place dans son travail. Grâce aux cartes, elle a réalisé que trouver sa place venait d’elle et non des autres. Cette carte a permis de recadrer sa pensée, de prendre le problème différemment, sous un autre angle.
Cette interview est publiée à l’occasion de la journée de la femme du 8 mars. Quel message aimerais-tu leur livrer ?
Ne cherchez pas à vous imposer. Derrière le mot de s’imposer il y a l’idée de l’injonction à du rapport de force. Je pense que les femmes auraient davantage intérêt à ouvrir la voie à une relation à soi plus équilibrée en énergie. Prendre conscience et accueillir toutes ses énergies indissociables, complémentaires. Prendre sa place dans le monde d’une manière plus fluide, plus écologique, un peu à la manière de certains arts martiaux qui jouent sur le mouvement et le déplacement des énergies. C’est à mes yeux le meilleur moyen de trouver sa place naturellement.
Tu fais partie de l' association« Les insolentes ». Cette question de place de la femme dans la société, dans le travail, doit souvent revenir…
En effet ! Et notre réponse est toujours la même. Il ne s’agit pas d’emprunter une posture offensive, de rentrer en confrontation. Pourquoi irions nous puiser dans le comportement masculin pour s’intégrer dans le monde professionnel ou la société, encore souvent patriarcaux. Il s’agit au contraire d’aller puiser dans toutes nos richesses, pour arriver à une relation complémentaire et fluide. Notre vécu en tant que femme et notre relation au vivant est fondamentalement différente de ceux des hommes. La question est de savoir ce que nous voulons en faire, sans rentrer dans des clichés. Qu’est ce j’amène dans ce monde en tant que femme ?
Peut-on dire que le jeu « Exploratrices » porte aussi un message féministe ?
Le mot féminisme me gêne concernant ce jeu. « Exploratrices » s’adressent aux êtres avant de parler aux femmes et des femmes. Pour tout te dire, l’année dernière, Manuel de Sousa m’avait déjà proposé de parler du jeu à l’occasion de la journée de la femme. Je me suis vraiment questionnée car cela amène un biais sur ce que n’est pas le jeu.
Pour finir, je te propose une ouverture vers le cercle des explorateurs...
Bonne idée ! Pour ouvrir vers d’autres pratiques et des échanges d’expériences, j’ai créé « Le cercle des Explorateurs ». Un groupe d’échange ouvert aux utilisateurs du jeu, qui a lieu le matin, en moyenne une fois tous les 2 à 3 mois. Les sessions sont gratuites et durent 1 heure 30. Toute personne achetant le jeu de cartes reçoit un message l’invitant à rejoindre ce cercle créatif qui regorge d’idées d’utilisations !
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Catherine Jullien en bref
Catherine se définit avant tout comme scientifique et artiste. Coach certifiée, elle considère cette activité comme un pont qui permet de transmettre une certaine compréhension du monde. Le coaching est un pont entre toutes ses énergies : celle de la femme scientifique, de l’artiste peintre, de la musicienne (Catherine joue du piano et du saxophone)… Arrivée à ce qu’elle définit elle-même comme un équilibre de vie, Catherine axe son coaching sur la question du SENS. Celui que l‘on donne à un projet, à une nouvelle orientation, à sa vie.
Sa devise : arrêtez les plans quinquennaux et mettez-vous en action. C’est le meilleur moyen d’avancer et de saisir au passage de nouvelles opportunités qui nous font aller plus loin et plus haut.
Découvrez ses aquarelles sur son site : www.akeni.fr
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